Vous voulez vous mobiliser tout en gardant votre âme d’enfant ? Le WWF a peut-être la solution pour vous !
Le 12 novembre dernier, la section française de l’ONG WWF « Fonds Mondial pour la Nature France » lançait l’application We Act For Good (traduire « on agit pour de bon »), épaulée de ses deux principaux financeurs publics La Poste et l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie).
Si trois mois après son lancement, l’organisation affichait fièrement ses 260 000 téléchargements, qu’en est-il actuellement ? Et quelles sont les dynamiques que sous-tendent le lancement d’une telle application ?
Être un coach de vie
En vous rendant sur le site internet du WWF, sur celui de l’ADEME ou sur tous ceux des partenaires, vous découvrirez une application qui se présente comme « lifestyle », proposant d’aider les citoyens à devenir « éco-responsables ». Comment ? Grâce aux conseils prodigués par la plateforme, véritable « coach de vie », qui vous permettra d’adopter les « bons » réflexes au quotidien.
« WAG rend simple ce qui est souvent vu comme compliqué », avance Pascal Canfin, directeur général du WWF France, « c’est une arme de transition massive »
Promis, cette application fera de vous un acteur de la transition verte, levant les barrières comme « je ne sais pas par où commencer », « je ne veux pas que ce soit difficile » ou encore, « je ne veux pas être seul », qui vous en empêchaient jusque-là.
Mobiliser les citoyens
Comment cela fonctionne ? La plate-forme vous propose plusieurs types de mobilisations via un système interactif de points et de badges récompenses, dans un aspect ludique. C’est le principe du « jeu avec promesse de récompense ».
Pour gagner des points, rien de plus simple : vous pourrez réaliser des quizz sur l’environnement (« l’air de l’intérieur est-il plus ou moins polluant que l’air extérieur ? »), consulter les actualités proposées par la plateforme et ses partenaires (recettes de cuisine, informations d’actualité…), passer à l’action en réalisant des tutoriels « do it yourself » (« je fabrique ma propre lessive qui sent bon », « je fais mon nettoyant pour vitres »…), participer à des événements, ou encore réaliser des missions (classées en grandes thématiques telles que « bien manger », « vers le zéro déchet », « se déplacer », « optimiser l’énergie »… ou encore propres à votre localisation, comme « m’engager dans la COP21 locale »).
Se réunir au sein d’une communauté pour reprendre le pouvoir
Devenir éco-responsable est résumé par le WWF en cette courte phrase « faites-le vous, pour vous, et pour la planète ». Oui, car « la planète est une affaire trop sérieuse pour la laisser entre les mains des seuls décideurs » insiste Pascal CANFIN, le directeur de WWF France.
« Créer une communauté mondiale pour mobiliser les pouvoirs publics » (Pascal Canfin)
En vous inscrivant, vous deviendrez plus qu’un citoyen responsable : vous aurez un impact grâce au poids de la communauté que le WWF cherche à créer.
S’inspirer des réseaux sociaux pour créer une communauté
Maintenant que vous avez téléchargé cette application, la ressemblance avec les réseaux sociaux traditionnels ne vous échappera pas.
Ceci commence dès l’arrivée sur la plateforme : vous voici membre « de la communauté des Wagueurs » et « entre Wagueurs, on se tutoie ». Au-delà de cette annonce vraisemblablement créatrice de lien, ce sont tous les dispositifs de l’interface qui font de vous un usager actif. Tout est quantifié et montré aux usagers, qu’ils soient ou non vos « amis » en ligne : pour chaque action, vous saurez combien de personnes se sont mobilisées, se mobilisent ou vont se mobiliser… tout ceci étant renseigné sur la carte interactive de la France.
La logique de l’engagement
C’est un objectif clairement annoncé par l’organisation : faire de vous un citoyen actif. Et vous pourrez le devenir très facilement et l’application vise aussi bien votre engagement individuel en vous proposant de modifier votre quotidien, que l’engagement collectif en vous incitant à participer à des événements locaux. Graduellement, cet engagement passe d’un like ou dislike, partage, lancement de défi, réalisation d’une mission, à une participation à un événement… tout ça en appuyant seulement sur l’écran de votre smartphone.
Ceci n’est pas sans nous rappeler la question du « push button » et de l’engagement sur les réseaux sociaux. Que vaut vraiment un engagement lorsqu’il se cantonne à un clic de quelques secondes sur une plateforme ? Qu’est-ce qu’une mobilisation si elle se résume à un nombre de participants à une missions ?
L’on pourrait dire que le versant positif est que chaque petit geste est bon pour l’environnement… mais on peut aussi se demander quels seraient les autres intérêts du WWF à lancer une telle application.
La collecte de données personnelles
Lorsque vous installez l’application pour la première fois, l’on vous propose de vous inscrire soit par le biais de Facebook, soit par Google, ou par votre adresse mail.
Peut-être semble-t-il inutile de le préciser, mais Google et Facebook sont les spécialistes de la collecte de données. Et réclamer vos mails, comptes sur les réseaux sociaux, données de géolocalisation, revient à constituer une base de données clients qui, à l’ère du numérique, représente une source très lucrative. En effet, c’est une réserve incroyable d’informations sur vous et vos habitudes (achats, comportements en ligne, situation de vie personnelle et professionnelle, géolocalisation…), et si Pascal Canfin affirme que ces données ne seront « jamais monétisées » (donc revendues à des entreprises, pour qui vous connaître en tant que consommateur permet de mieux vous cibler, donc de mieux vous vendre leurs produits et services), elles serviront tout de même à vous envoyer des informations militantes et bulletins d’adhésion à l’organisation, à vous proposer des réductions et cadeaux sur la boutique en ligne, ou même à vous orienter vers des sites marchands.
Et tout ceci donnerait presque le tournis, lorsque l’on sait que l’application, en janvier 2019, comptait près de 220 000 téléchargements et réunissait plus de 36 000 points d’intérêt (partagés par les usagers) sur sa carte interactive.
Le marché des applications éco-responsables de plus en plus saturé
Force est de constater que de plus en plus d’acteurs se lancent dans le jeu des applications éco-responsables, qu’ils soient indépendants (Yuka) ou lancés par des marques (telles que Leclerc). Et les concurrents sur le même créneau des applications-défi sont nombreux également : 90 jours, Ça commence par moi, YesWeGreen, Transiscope ou encore Près de chez nous.
Alors, comment est-ce que WAG tente de sortir du lot ?
Il faut se pencher sur l’image du WWF et ses outils de communication. L’organisation bénéficie de la force de ses relations presse. Sur le seul mois de novembre 2018, l’application a été présentée (attention, liste non-exhaustive) dans « Le Monde », « Le Parisien », « La croix », « La Quotidienne de France 5 », « Télé-matin » de France 2, et lors de conférences de presse. Les sites des partenaires sont également des relais importants de la promotion, bien qu’ils la traitent avec moins d’objectivité.
À l’heure du numérique, il faut dénoter le travail du community manager, qui répond à tous les commentaires des internautes sur les plateformes de téléchargement. Les influenceurs jouent également un rôle important, que ce soient entre autres Cyril Dion (écrivain et réalisateur), Nicolas Karabatic (handballeur) ou Alban Michon (explorateur polaire), qui touchent chacun leur communauté, et étendant ainsi la visibilité de l’application.
Une application utile au moment de la transition écologique
Même s’il s’agit d’une application récente un marché aux nombreux concurrents, il faut en relever les aspects positifs. Le concept de la communauté et des récompenses sont des leviers intéressants pour pousser à l’engagement, en responsabilisant les citoyens sans leur imposer de contrainte. Les premiers chiffres de janvier 2019 sont d’ailleurs plutôt positifs : l’application comptabilise plus d’un million de passages à l’action sur les cinq « thématiques du quotidien » et 220 000 téléchargements. Sur l’Appstore, elle obtient une note de 4,6 et est classée 21 ème dans la catégorie lifestyle.
Et si l’organisation visait à son origine une cible plutôt jeune et néophyte par ses aspects « gaming », son ambition de lancer de nouvelles thématiques telles que « quand bébé arrive », « à faire en famille avec ses enfants » et « retour vers la nature » laisse présager un élargissement de sa communauté qui, peut être, pourra permettre à WWF de peser plus lourd face aux pouvoirs publics.
Et l’avenir nous dira si les applications mobiles peuvent devenir des outils politiques pour les ONG !
Sources :